28 octobre 2010
Pub Calvin Klein censurée : ceci est-il un viol ?
Une image de viol est-elle un viol ? C'est par oui que répond l'Advertising Standards Bureau australien, équivalent de notre Autorité de régulation, en censurant cette pub Calvin Klein. Pour prendre une telle décision, le Bureau a dû se prononcer sur trois questions :
1) Cette photo représente-t-elle ou évoque-t-elle un viol collectif ?
2) Y a-t-il consentement de la femme (auquel cas l'hypothèse viol ne tiendrait plus) ?
3) Même s'il peut ne pas y avoir viol, cette image est-elle "viol-ante" ?
1) Ce qui milite en faveur du <viol collectif> :
. la présence de /trois hommes/, appelons-les H1, H2 et H3.
. la /participation active/ de chacun : H1 assaille, H2 tient la tête de la femme, H3 maintient le bassin de la femme en faisant "mur" avec son dos (effort dénoté par le froncement de ses sourcils).
. la /sérialité/ de leurs rôles respectifs : H1 prend son tour, H2 attend le sien (sa braguette est déjà ouverte), H3 passera en dernier ou est déjà passé, le fait qu'il porte sa chemise le rend en tout cas plus éloigné de l'acte.
. leur /interaction/ dans l'acte : H2 encourage H1 en lui "flattant l'épaule".
. les 3 beaux gosses gominés, la désinvolture de l'alumette mâchouillée renvoient au stéréotype du <voyou des 50's>.
. le /grillage/ qui évoque une <rétention>, une <séquestration>.
2) Ce qui milite en faveur du <consentement> :
. l'/absence de mouvement de lutte/.
. la /bouche qui ne crie pas/.
. le /visage dépourvu d'expression d'effroi ou de souffrance/.
. la /position des mains qui semblent participer au déshabillage/ du haut du corps de la femme (elle tient son propre débardeur ou soutien-gorge).
Donc, ceci n'est pas une scène de viol, mais un viol esthétisé, un fantasme de viol. On n'est donc pas dans le premier degré mais dans le porno chic. D'ailleurs, pour preuve, voici tout ce qui milite en faveur du <porno chic> :
. une telle /densité de chairs nues appartenant à des corps différents/, c'est l'<orgie>, la <partouze>.
. le /grillage/ à nouveau, associé aux autres traits ainsi qu'aux graphs que l'on devine sur le muret, évoque le <terrain vague>, la <zone de non-droit>. Un peu comme dans ces visuels DSquared2 saison 07/08 :
. la lettre /X/, nom de la ligne de jeans, renvoie au <cinéma porno>.
. l'association de l'esthétique gay portée par les hommes et de l'hétérosexualité du viol apporte une transgression supplémentaire.
. les /traces de peinture rouge/ rappellent les Contacts peints de William Klein (ci-dessous à gauche), ouvertement plagiés dans les campagnes Galliano 2007... Ainsi, fort de son homonymie avec le photographe, Calvin Klein s'approprie la démarche artistique qui consiste à inscrire dans le processus créatif la revendication d'un choix d'image. Marquer ainsi impulsivement, violemment, une photo de rouge pour signifier son choix, c'est dire « Oui, ceci est bien mon propos, que je revendique et j'assume ».
3) Alors, un fantasme de viol, un désir de viol, un viol comme jeu consenti sont-ils des viols ? Non. Mais une image de viol massivement diffusée, en revanche, n'en constitue pas moins un viol de l'image de la femme. Et c'est cela, je crois, qui a été censuré.
17:47 Publié dans Ambiance | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : calvin klein, william klein, contacts peints, censure, dsquared2
25 octobre 2010
Cerfs et cervidés : mi-fées mi-trophées

16:39 Publié dans Motif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stella mccartney, première vision, inrocks, aigle, elle, eastpak, citizen k, stuart weitzman
20 octobre 2010
Le jeune père dans l'air du temps
15:32 Publié dans Tendance | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : gq, grazia, glamour, sandro, ferragamo, minelli
14 octobre 2010
Ideat : drôle de nom pour un magazine ?
Tout part d'une anecdote phonétique. Un jour, je discute avec la personne en charge du marketing d'Ideat,
le mag déco édité par L'Express Roularta. C'est là que j'entends pour la première fois prononcer ce mot « Idéa ». Dans ma tête, j'ai toujours dit « Idéate ». Typiquement le détail qui éveille en moi plein de questionnements sémiologiques.
Qu'est-ce qu'Ideat ?
Un acronyme de « Idées - Design - Evasion - Architecture - Tendances », comme nous le dit la baseline ? Oui, mais la sémiologie consiste justement à ne pas se contenter de ce qui s'annonce.
Et si c'était un substantif ? Ce serait du côté de résultat, conglomérat, condensat... d'idées, de design, d'évasion, d'architecture, de tendances... A moins qu'il ne s'agisse, comme me le suggère Cécile (merci Cécile) d'un mix facile idée + habitat. Dans les deux cas, on retombe sur ce qui précède.
Je réfléchis au mot « Ideat » en cherchant ce qui m'a amenée à le prononcer « Idéate ». Et voici la réponse : c'est un verbe ! En moi, ce mot évoque les verbes latins en -are : amare, cantare... comme dans la célèbre formule « Quid bene amat bene castigat » (qui aime bien châtie bien).
Ainsi, « Ideat » résulterait de la conjugaison au présent, troisième personne du singulier, d'un hypothétique verbe latin « ideare » dont le sens serait « mettre en idée », « conceptualiser ».
Pour un magazine de déco, « ideare » ce serait aller de l'art de vivre à l'idée plutôt que de l'idée à l'art de vivre. Dire : « Vous voyez ça ? Eh bien derrière, voilà l'esprit » plutôt que : « Vous avez entendu parler de ça ? Voilà, on vous montre l'image ».
D'emblée, avec son nom d'un genre nouveau et indéterminé, Ideat se place forcément sur un autre terrain que tous ces titres si classiquement nommés : Maison française, Elle Décoration, Marie Claire Maison... D'ailleurs, ne se définit-il pas lui-même comme le magazine déco nouvelle génération ? Le lifestyle qui génère (du sens), voilà un beau programme...
Remarque : le verbe "ideare" existe en italien, où il a le sens de "concevoir".
14:04 Publié dans Message | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : ideat, titre, sémiologie, linguistique, l'express roularta
12 octobre 2010
Gap : le logo qui a déchaîné les passions
Le dévoilement du nouveau logo Gap a provoqué un tollé général. Au point qu'hier, la marque a officiellement rétabli son ancien logo, à la satisfaction générale.
Premier reproche adressé à la marque : l'abandon du carré bleu marine. Ou plutôt son remplacement par un pâle substitut, ce carré "alibi", affadi, dégradé, décalé censé nous rappeler l'original.
Deuxième reproche : l'adoption, en lieu et place des élégantes capitales Didone, d'un Helvetica des plus banals, simplicité extrême renforcée par le choix du tout bas de casse et du fond blanc qui n'en est pas un.
Bref, c'est la crise. D'identité. Car Gap, c'est quoi ?
Gap = <US> + <sportswear> + <classique> + <pas cher> + <mass market>
En abandonnant son carré bleu marine, Gap s'asseoit sur le <classique>, sur le soupçon de <chic> qui fait que parfois, on peut trouver chez Gap une petite blouse en soie bien coupée.
En adoptant l'Helvetica, Gap s'urbanise et perd le côté «week-end au vert», le côté Abercrombie & Fitch voire Tommy Hilfiger qui était présent à la fois dans le bleu marine et la typo.
Le <sportswear> se trouve renforcé et l'on se rapproche dangereusement des marques d'urban wear, au premier rang desquelles American Apparel qui possède elle aussi, dans son nom même, un très fort signifié <US>. Mais il y a aussi Bench, Desigual, Feiyue ou encore Superdry.
De plus, le côté passe-partout, omniprésent, bon à tout faire de l'Helvetica fait lourdement pencher la balance du côté de la <diffusion de masse>.
Le nouveau logo Gap est déjà nul et non avenu parce qu'il rompt le subtil équilibre entre sportswear et classique, cette sorte de grand écart que Gap a cultivé avec tant de soin parce que oui, c'est ça aussi que «gap» veut dire : le fossé, l'écart, le différentiel.
12:30 Publié dans Typo | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : gap, typo, logo, sémiologie, sportswear, feiyue, bench, superdry, american apparel
04 octobre 2010
Grazia : le féminin haut de gamme et néanmoins broché
Août 2009 : au lancement de Grazia, beaucoup se sont étonnés que le magazine soit "broché" (il s'agit en fait d'une "piqûre 2 points métal", dixit un pro). Tous les féminins haut de gamme sont "dos carré collé". Pourquoi Grazia avait-il choisi de transgresser cela ?
1er octobre 2010 : Grazia sort en dos carré collé (c’est arrivé aussi pour les spécial mode), et je suis déçue : sans ses agrafes, il perd une partie de son identité frontale – celle contenue notamment dans les caractéristiques de l’objet physique, c’est-à-dire justement la reliure, le format, la pagination, la qualité du papier.
Le dos carré collé, plus cher, plus sophistiqué, plus solide que le brochage, est réservé aux publications ayant une certaine durée de vie. Aux magazines-objets que l’on garde pour leur valeur intrinsèque (qualité du papier, des photos). En vrac, les "revues", les mensuels et plus, les hors série, les numéros spéciaux, le luxe, les très grosses paginations.
À l'inverse, que peut-on associer au brochage ? Un peu basique (deux agrafes, s'il vous plaît), moins coûteux, ce procédé sied bien aux petits formats et aux faibles paginations puisqu'il est moins solide qu'un dos carré. Ce côté "moins" (moins cher, moins solide, moins sophistiqué) dégage un premier signifié : <grand public>. Mais le côté "moins durable" l'inscrit aussi dans un temps plus court, comme ces hebdos qui circulent beaucoup, passant de main en main. Bref, des news, de l'actu, vite consommés, vite obsolètes. D'où un second signifié : <actu>.
Il faut affiner. Car ce n'est que combiné à d'autres signifiants (options de format, de pagination...) que le brochage prend tout son sens.
/brochage/ + /petite pagination/ = <populaire> (Closer, Nous Deux, Détective, Ici Paris)
/brochage/ + /grande pagination/ = <news magazine> (L'Express, Nouvel Obs, Marianne, Fig Mag)
/brochage/ + /grande pagination/ + /grand format/ = <picture magazine> (Match, VSD)
/brochage/ + /grande pagination/ + /grand format/ + /identité féminine/ = Grazia
En faisant le choix du brochage, Grazia inaugure une combinaison inédite. Et se définit ainsi, de facto, comme un magazine d'un genre nouveau : le <mag d'actu féminin haut de gamme>. Renouveler le genre féminin, telle est bien l'ambition de Grazia qui, bien qu'attendu par tous comme un "féminin people", se composait déjà à son lancement de 35% d'actu pour seulement 10% de peope. Une actu de plus en plus présente, surtout si l'on considère la propension de Grazia à voir toute chose (y compris la mode et le people) comme un phénomène... de société, susceptible donc d'être soumis au traitement news.
Reste qu'au-delà d'un certain nombre de pages, les agrafes ne suffisent plus : le dos carré collé devient alors techniquement obligatoire, quitte à sacrifier ponctuellement un peu de l'identité du support...
17:09 Publié dans Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grazia, presse féminine, haut de gamme, reliure, sémio